Saint-Gervais d'Auvergne (7e Grand bal de l'Europe), août 2014
Cette année pas de Gennetines pour moi. Une envie de paix et d'éviter les fantômes qui pourraient raviver de vieilles blessures. Un départ en stop depuis le sud, à deux, bien préparé au niveau provisions puisque mon équipière avait prévu de faire la popote. Concernant l'organisation du voyage j'ai fait de mon mieux : la carte de France précisant les aires de repos avec stations-services sur l'autoroute, un marqueur et du papier pour faire les panneaux.
560 km, qu'il nous faudra 24h pour faire. En dix-huit étés à faire du stop, c'est mon record de lenteur. Parmi les pires moments du voyage : le départ de Marseille pénible, vu qu'il nous a fallu changer de place 2 fois... une station au-dessous de Vienne dans laquelle on est resté 12h, avec la pluie et des voitures à profusion pleines de familles en vacances... Parmi les meilleurs : tous les moments de chouettes rencontres avec des gens sympa, curieux, généreux [je pense notamment à V. qui soigne les gens avec des cristaux, à ce jeune musulman qui voulait nous donner de l'argent à Marseille, pensant qu'on était des miséreux, à celle qui, après avoir fait descendre un stoppeur espagnol de sa voiture, nous a pris aussitôt].
Et puis le stop, c'est toujours bon en soi, parce que ça pousse à rester ouvert au monde, ce monde dont les grands médias nous font un portrait de danger permanent. Quand je voyage comme ça, j'ai toujours un pincement au cœur à un moment, car je me dis : « La peur, la haine et l'égoïsme distillés par les médias et la pub risquent d'être trop forts et je pourrais me retrouver salement en rade... ». Sauf qu'à chaque fois c'est la même chose : des gens qui me prennent en avouant ne jamais prendre d'auto-stoppeurs d'habitude, de beaux échanges, plus d'autres qui disent faire ça en se souvenant qu'ils ont fait du stop dans le passé. Alors je me dis que tant que ça marche comme ça, la solidarité et le partage ont de beaux jours devant eux. Et même dans les moments où je suis crevé physiquement [parce que le stop, c'est putain de crevant !], mentalement j'ai une patate d'enfer. Parmi les bons moments aussi, il y a ces chansons que j'improvise quand la fatigue me rend débile, mais bouffonnement créatif. Et ces cappuccinos de stations-services énormes et avec des arômes artificiels dont je raffole quand je m'essouffle, mais dont je voudrais pour rien au monde en temps normal.
On a fini donc par arriver. Le festival avait commencé la veille. J'ai retrouvé les visages amicaux et familiers des années précédentes (ceux de France, de Belgique, de Pologne, de Suède, d'Allemagne, d'Italie, d'Autriche, de Slovaquie...), ma mère et ses poteaux, des collègues de Saint-Gervais ou de Gennetines avec qui j'aime tellement décaper les toilettes, les mêmes mélodies entêtantes, les mêmes habitudes flegmatiques que j'ai prises dans ces foutus « Grands Bals de l'Europe » : se coucher très tard, se lever très tard (quand la température devient vraiment suffocante dans la tente), manger plein de glaces, ne jamais savoir ce que je vais suivre comme ateliers de danse (ni même si je vais en suivre tout court), ne pas savoir quels groupes jouent... L'impression jubilatoire et vraiment spontanée de pas être « in » : quand on me dit « C'est qui qui joue au parquet X ? », que je hausse les épaules et qu'on me regarde comme un alien... J'adore. Ou encore quand on me parle d'un groupe sensé être super connu et qu'on me fait des yeux de merlan frit parce que je connais pas.
En italien j'aime bien le mot « tranquillo ». Pendant ce festival, je prends mon temps. Et si j'erre d'un parquet à un autre pendant les bals sans savoir le nom des gens qui jouent, ça m'empêche pas d'avoir du plaisir à écouter la musique, à regarder les gens danser, à sentir les énergies, à retrouver des potes, à taper la discute avec des inconnus ou des gens avec qui on échange juste une fois par an à ce moment-là, à partager une bière, fumer une clope, se raconter l'année qui vient de passer. Un peu comme les réunions de planète dans La Belle verte [film jubilatoire et utopiste de Coline Serreau, que je recommande vivement]. Parmi les gens que j'ai eu plaisir à revoir : Tore et son humour multinational, Agata et son sourire intergalactique, Gosha, Eva, Elisa, Biene, Jo et ses blagues au ton désabusé, ma mère, Juliette, Lise, Vincent et leur petite fille, Emilie, Sylvie et sa voix écaillée, Daniela de Rome, Ludovic, Pieter, Djamila et ses chansons qui tournent en boucle quand elle astique les plateaux, Laurent qui me raconte un conte par été, Jérémie et sa zénitude, Petra et ses vues surprenantes, Vincent et son parler de lutin facétieux, Camille et Marine, Katia, Viviane... [j'en oublie plein]. Découvert des gens chouettes, dont Charlotte, Maja, les musiciens de La Forcelle, que j'ai vus une nuit boeufer sur un parquet avec d'autres en petit comité [Encore merci à eux pour ce moment délicieux !]. J'ai retrouvé les balades dans l'église, les discussions en plein de langues en même temps, les jeux de cartes ou d'autre chose pour pas aller danser, les siestes qu'on peut faire à n'importe quelle heure, j'ai gratté une page de vocabulaire en polonais, refait ma blague nulle du mec qui montre son bracelet aux surveillants de l'entrée quand il sort du site, fait des centaines de photos [plus d'une semaine pour les trier et retoucher...] et quelques petites vidéos qui sont à mes yeux pas trop mal. En écrivant ce texte j'ai une pensée pour ces cavalières qui auraient voulu danser avec moi et que j'ai évitées ou oubliées. La danse pour moi est liée à une vieille blessure. J'ai besoin d'y aller mollo. Un jour ça changera, foi de pèlerin !
La fin a été difficile, évidemment. On est pas parti vraiment les derniers. C'est déjà un bon point. Et après ça on est resté quelques jours de plus en Auvergne. Ça c'est bon aussi.
Sélection de photos de la semaine :
Un boeuf que j'ai eu plaisir à écouter et à photographier :
[Les vidéos 15 et 16 de la playlist plus bas ont été faites au même moment. deux des musiciens font partie du groupe La Forcelle. Voici le lien vers leur site >ICI<]
Balade dans l'église :
Maintenant la même balade en mode psychédélique [je savais à peine faire des retouches et j'ai voulu m'amuser avec un logiciel...] :
Les vidéos que j'ai faites dans la semaine (sous forme de playlist) :