Changement(s) de ligne d'horizon

Publié le par Mako Rigan

Certains disent qu'il faut aller jusqu'au bout de ses rêves ou de ses envies, d'autres qu'il faut vivre ses idées... ou être cohérents avec soi-même. Moi j'appellerais ça l'expérience vécue, toute modeste que soit encore mon expérience dans pas mal de domaines.
Ça fait un moment que je n'ai plus mis grand chose de très personnel sur ce blog. Je vais donc résumer quelques grandes lignes concernant les derniers mois.
 
Depuis ma majorité j'ai toujours plus ou moins fleurté avec la bohème (oh, la jolie faute ! *).
Là je lui ai fait 3 gosses et elle m'a mis une grosse gifle pour me faire préférer les amantes avec un meilleur porte-feuille. Ce que j'appelle l'expérience vécue.
J'ai dû quitter la jolie colocation où j'ai vécu pendant presque un an. Les gens y étaient adorables, intéressants sous tous rapports, le partage des tâches ménagères y était exemplaire comparé à ce que j'avais vécu jusqu'à ce jour (avec un plan de ménage carré et souple à la fois), les choix de vie collectifs (quels achats et quel type de consommation pour quelle cuisine ?) étaient ce dont j'avais toujours rêvé, mais la coloc avait 2 défauts : chacun était très indépendant et occupé et on n'organisait jamais de fêtes chez nous... et la coloc officielle qui m'avait sous-loué sa chambre revenait du long voyage qu'elle avait entrepris.
Excellente raison donc pour débarrasser le plancher...
 
Quelques photos de ma chambre avant de la quitter :
Changement(s) de ligne d'horizon
Changement(s) de ligne d'horizon
Changement(s) de ligne d'horizon
Bon, les voitures on s'en fout mais j'ai appris à connaître les noisetiers et c'est trop beau de les voir lâcher leurs fruits en automne !

Bon, les voitures on s'en fout mais j'ai appris à connaître les noisetiers et c'est trop beau de les voir lâcher leurs fruits en automne !

 
 
 
[* Quoique d'un point de vue étymologique ça soit pas si faux. « flirter » viendrait à l'origine de « flirt » en anglais, qui viendrait lui-même d'un ancien mot français, « fleureter » [dire avec des fleurs... ou sans doute qu'on était très loin de la drague moderne dans laquelle « flirter » peut en français d'aujourd'hui avoir le sens de baiser sauvagement avec quelqu'un toute la nuit sans que cela ait une quelconque influence sur la vie des protagonistes en question – n'en déplaise aux romantiques cuculs et coincés d'aujourd'hui, offrir des fleurs, organes sexuels s'il en est, est une manière irréprochable de faire une allusion sexuelle indirecte – j'y pense toujours quand j'offre des fleurs à une femme qui me plaît]. Double emprunt donc pour « flirter », comme d'autres mots paquets-piégés que peut-être par hypocrisie et rivalités ancestrales on attribue aux voisins (« fuir (ou filer) à l'anglaise » en français – mais en anglais et en allemand la même expression est « à la française » ! ... ou encore les « capotes anglaises », comme disaient mes parents, étaient pour les Anglais « french coats »...). J'achèverai cette parenthèse linguistique absolument passionnante en évoquant le fait que pour les Allemands d'aujourd'hui le verbe « flirten » contient l'idée de « faire avec les yeux », tout se passant dans la tête. Rapport de séduction toujours, mais sans rapport avec le « quick-sex » (waouh, je suis trop in, question vocabulaire moi !) éventuel sous-entendu dans l'équivalent français. A ce sujet, je me rappelle d'une anecdote rigolote vécue en France. Un de mes anciens colocs allemands avait raconté aux Français de la coloc sa soirée de la veille avec enthousiasme. Il disait que tout le monde avait flirté avec tout le monde et tous autant qu'on était on le regardait les yeux écarquillés ! Si effectivement tout le monde avait « flirté » avec tout le monde j'imaginais une orgie fantastique et j'étais choqué que le copain en question me raconte ça avec autant de détachement !]
 
 
Une copine m'a alors gentiment proposé de venir habiter chez elle, le temps pour moi de trouver un nouveau palace. Je suis donc passé de la bohème dans un quartier bobo à la découverte de l'intérieur d'un univers post-socialiste légèrement hostile. En plus de très nombreuses maisons vides laissées par le départ massif vers l'Ouest d'habitants de la RDA après la chute du mur, Leipzig regorge aussi de vieux immeubles que des propriétaires peu scrupuleux laissent s'abîmer peu ou prou. Beaucoup de jeunes y trouvent leur compte, des moins jeunes aussi, qui par faiblesse de ressources ou choix de vie habitent ces immeubles insalubres. J'ai donc vécu 3 mois dans une maison qui était pour moi une terre inconnue dans une terre étrangère (l'Allemagne). Par moment c'était sauvage comme l'Amazonie, à d'autres naïf comme l'Île aux Enfants. A propos d'enfants cet immeuble avait aussi une autre particularité, c'est que les ventres de femmes enceintes y poussaient plus vite que les champignons des sous-bois en automne.
Des amis qui prennent un malin plaisir à me faire une sale réputation m'ont demandé plusieurs fois si j'y étais pour quelque chose. Content de les décevoir, j'ai refusé toute responsabilité dans cette histoire. Les gens de l'immeuble ont été sympathiques avec moi, même si j'ai gardé avec certains une certaine distance / prudence ? Ça a été en tout cas l'occasion de faire plein de nouvelles expériences :
 
1. Tenter de survivre sans chauffer... Le bois ça coûte cher et les murs étant plein de trous, le poêle à bois ne chauffait que le côté de la pièce où je n'étais pas. Bon, avec un sac de couchage + 3 couettes j'ai survécu la nuit sans trop de mal.
 
2. Faire des kilomètres pour aller laver mon linge, à défaut d'avoir une machine à laver. Ça m'a rappelé mes vieilles années de Cité-U.
 
3. Boire de l'eau au plomb. Propre des canalisations des vieilles maisons, à ce qu'on m'a dit.
 
4. Ne plus me doucher pendant une semaine. Quand la température est passée à -10°C il y a des tuyaux qui ont gelé et il n'y avait plus d'eau chaude.
 
5. Ne plus boire ni me laver du tout. Car après les tuyaux qui gèlent on a eu les tuyaux qui pètent.
 
6. Partager mon lit et mon espace avec des chats. Trois. A défaut de porte dans l'espace que j'occupais et du fait qu'ils étaient dans la maison bien avant moi j'ai dû m'y habituer. Au départ je les virais de mon lit, mais comme ils revenaient toujours se coucher sur la couette, j'ai préféré dormir la nuit plutôt que de gesticuler. J'ai dû m'habituer à leurs poils accrochés dans mes vêtements et sacrifier le seul meuble auquel je tenais : un vieux fauteuil kitch et super confortable sur lequel ils venaient se faire les griffes à tour de rôle. Ils se mettaient toujours sur la gueule entre eux et j'ai fini par les observer eux aussi et à les prendre en affection. La vieille qui dormait dans les sacs plastiques ou les cartons dans les positions les plus inconfortables et se battait contre les autres pour faire respecter un diamètre d'un mètre autour d'elle sans autre chat. Le plus jeune qui venait toujours l'emmerder. Leur fascination pour les gouttes d'eau coulant du robinet ou gisant au fond de la baignoire.
 
7. Ne plus inviter grand monde, du fait que je n'étais pas chez moi. Ça m'a forcé à aller plus souvent chez les autres et à traîner dans les Vokü (« cantines du peuple »), où on mange bien, végétarien ou vegan et pour pas cher.
 
Dans cet immeuble j'ai trouvé qu'il régnait une assez bonne entente, due aussi au fait que ses habitants se connaissaient depuis un moment. Au départ je me demandais comment est-ce qu'ils pouvaient rester là dans cet immeuble au bord de l'effondrement, je les voyais un peu tous pareils. J'ai appris très vite qu'ils étaient en fait assez différents les uns des autres et que c'était certainement en grande partie à cause de la solidarité et l'ancienneté des liens qui unissait la plupart d'entre eux qu'ils restaient dans cette immeuble vermoulu.
 
Quelques images de la maison :

 

 

L'immeuble d'en face

L'immeuble d'en face

Le ciel vu de la cour intérieure

Le ciel vu de la cour intérieure

Un bout de ma 1ere chambre

Un bout de ma 1ere chambre

2e chambre : Je squatte leur maison, ils squattent mon fauteuil.

2e chambre : Je squatte leur maison, ils squattent mon fauteuil.

Le plus jeune, revenant par la fenêtre. Grâce à un système ingénieux mis au point par un voisin, les chats pouvaient passer du toit d'en face à la fenêtre. A ce stade il faut miauler très fort, le temps qu'un humain bouge son cul pour venir ouvrir.

Le plus jeune, revenant par la fenêtre. Grâce à un système ingénieux mis au point par un voisin, les chats pouvaient passer du toit d'en face à la fenêtre. A ce stade il faut miauler très fort, le temps qu'un humain bouge son cul pour venir ouvrir.

J'ai donc assumé mon besoin de plus de confort. J'ai visité une quinzaine de colocations. Des minets étudiants en droit et marketing avec tout l'équipement électroménager possible dans la maison + une télé par pièce... (l'horreur !!!) aux beatniks du 3e millénaire vivant sans chauffage, sans tapisseries, sans couleurs, presque sans mur et avec une plantation de moisissures sur les murs de la salle de bain... (l'angoisse !!!). Certaines journées consacrées aux visites d'appartements j'avais le sentiment d'aller de Charybde en Scylla ! (cliquer sur le nom pour ceux qui ne connaîtraient pas l'expression).
 
(Charybde et Scylla en grande forme)

(Charybde et Scylla en grande forme)

J'ai évité les trop jeunes (moyenne d'âge de 20 ans), les trop viriles (les gars qui crient « Sex time ! » chaque fois qu'un râle de plaisir vient d'une chambre voisine), les trop grandes (15 colocs dans une maison-communauté même pas finie de construire), les trop bruyantes et les trop coincées.
J'ai choisi une coloc à 4 :
- un Allemand en fin d'études de 28 ans,
- une Espagnole coiffeuse de 33,
- un Golden Retriever pépère de 7
- et votre humble narrateur.
J'habite au centre-ville, ce que je voulais d'abord éviter. Mais je suis relativement à portée de tout : mes anciens quartiers successifs, réseaux de connaissances, la gare pour aller chercher les gens, et même des endroits où je mettais avant jamais les pieds par flemme du chemin à faire.
C'est du miel de pouvoir inviter à nouveau qui je veux quand je veux pour manger ou pour dormir. Je crois que je vais le faire sans arrêt ! Et puis quand on habite au centre de tout, on a plus d'amis, hi hi !
 
De ma fenêtre j'ai une vue pas mal :
(photo de N.F.)

(photo de N.F.)

La Neues Rathaus (« Nouvelle mairie »), qui date de 1905, que j'adore et dont l'architecture me semble un subtil mélange du château de la Belle au bois dormant et des Dents de la mer. Le charme de l'esthétique allemande n'a son équivalent nulle part ailleurs ! Ça aussi j'adore !
Voilà d'où j'écris aujourd'hui.
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