Un pauvre donne une leçon de grâce
Alors que je suffoque sous une marée humaine qui envahit les couloirs gris du métro, à deux pas des Champs Elysées, un air familier et puissant m'attire dans la direction opposée à la sortie, me retenant un peu plus longtemps dans le fracas sinistre des galeries creusées sous la peau de la terre. Je viens d'assister à un défilé d'éclopés faisant la manche en se tordant pour avancer au milieu des wagons, les passagers s'arrangeant pour ne pas croiser leurs regards. C'est un Rom qui joue de l'accordéon. Il me fait pleurer, ce con. Et arriver en retard. Mais je regrette pas de lui avoir donné un tiers de ma fortune d'un euro cinquante pour son "Jesu meine Freude", moment de grâce qui laissait les passants plus fortunés indifférents. Merci à toi, le pauvre, de me faire oublier un peu les bourgeois !