Adieu Lhasa !

Publié le par Mako Rigan

On m'a demandé avec ironie si je comptais me spécialiser dans les rubriques nécrologiques...
Pourtant j'ai appris tout à l'heure avec un pincement au coeur la mort de Lhasa (c'est arrivé le 1er janvier). Elle avait  fait 3 albums vendus à plus d'un million d'exemplaire chacun et aussi un je-ne-sais-quoi d'une enchanteresse. C'est un cancer du sein qui l'a tuée... à 37 ans.
 
 
Adieu Lhasa !
(article trouvé sur le site de Libération)
 
Musique 05/01/2010 à 00h00
Lhasa, un grand vide
Portrait
 
Disparition . La chanteuse est morte d’un cancer vendredi à 37 ans.
Par FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ
 
Le disque qui l’a révélée s’intitulait La Llorona, «la pleureuse», référence à une légende mexicaine et à la chanson qui s’y rapporte : une défunte qui erre sans consolation et apparaît pour effrayer les vivants. Des pleureuses et pleureurs, il y en a beaucoup à travers le monde depuis qu’hier matin s’est répandue la nouvelle de la mort de Lhasa. La chanteuse a succombé vendredi, premier jour de l’année, à un cancer, à Montréal, la ville qui l’avait vue naître comme artiste. Elle avait 37 ans. On pense à ce qu’elle chantait, en espagnol, sur son disque The Living Road: «Tu arrives demain/ Pour la fin du monde ou le nouvel an/ Mon squelette danse…» Sa maladie était connue. Lhasa avait trouvé la force de donner quelques concerts au printemps dernier, pour la sortie de son troisième disque, mais la tournée programmée à l’automne avait dû être annulée.
 
 
 
 
Cérémonial. Pour nombre d’admirateurs, la découverte de Lhasa sur scène restera un choc : de la pénombre surgissait cette voix blessée qui installait un univers fait de ballades mexicaines, de blues et d’échos tziganes. Un folklore imaginaire interprété avec une densité d’émotion qui touchait au cérémonial. Petit oiseau fragile, elle présentait ses chansons avec un humour teinté de désespoir : «Je devrais remercier tous les hommes qui m’ont quittée pour m’avoir permis d’écrire toutes ces chansons.»
 
Lhasa de Sela était une fille du voyage : Alexandra, sa mère, était peintre et américaine, Alejandro, le père, mexicain et voyageur. Elle voit le jour le 27 septembre 1972 à Big Indian, fief de la contre-culture hippie dans l’Etat de New York, à quelques kilomètres de Woodstock. Elle reçoit un nom tibétain et passe son enfance sur la route, sillonnant en minibus avec frères et sœurs les routes de l’Amérique. Les parents privilégient une éducation libre, qui permet à sa créativité de se développer. A 19 ans, elle débarque à Montréal et fréquente le circuit des cafés musicaux.
 
Elle reprend les standards de Billie Holiday et de la Mexicaine Chavela Vargas, deux influences qui marqueront son œuvre. Avec son complice, le guitariste et compositeur Yves Desrosiers, elle construit un répertoire exigeant qui aboutira à La Llorona, entièrement chanté en espagnol, en 1997. Public et critique sont conquis : elle sera sacrée révélation canadienne de l’année. Elle arrive en France en 1998 et, après un mémorable concert au Bataclan, s’impose parmi les nouveaux artistes du label Tôt ou tard.
 
Le successeur de La Llorona se fera attendre six ans : guère pressée, Lhasa collabore aux spectacles de cirque de ses sœurs au Québec, s’installe à Marseille, multiplie les sessions de studio mais finira par enregistrer The Living Road à Montréal. Pour ce disque de la maturité, elle a écrit en anglais, en espagnol et en français, et s’est rapprochée esthétiquement du blues et du folk américains. Le succès est à nouveau au rendez-vous.
 
 
 
 
Voix fêlée. Pour son troisième disque, qu’elle tient à produire elle-même, elle s’entoure de jeunes musiciens montréalais et invite Patrick Watson ou Stuart Staples (Tindersticks). Entre plaintes de pedal-steel guitar, sons de harpe et voix fêlée, Lhasa, album chanté en anglais, est une œuvre poignante et originale, très éloigné des clichés «chanteuse folk» à la mode. Dans ces colonnes, la chanteuse évoque une «soif de lenteur, de silence, de simplicité» (Libération du 19 mai). Le cancer du sein s’est déjà déclaré, perturbant l’enregistrement.
 
 
 
 
Quelques concerts accompagnent la sortie du disque, en avril 2009. On la verra au théâtre Corona de Montréal, aux Bouffes du Nord à Paris. Sa dernière apparition sur scène aura lieu en Islande, à Reykjavik, au Arts Festival, fin mai. Epuisée, elle retourne à Montréal pour se soigner. Sans interrompre son travail : ces derniers mois, elle s’intéressait à ce qui devait être son quatrième album, autour des chansons de Violeta Parra et de Victor Jara, deux grands noms de la chanson chilienne. Deux héros aux destins tragiques : elle, suicidée en 1967, à 49 ans, lui, assassiné par les militaires, à 38 ans, lors du coup d’Etat de Pinochet en 1973.
 
Peut-être Lhasa a-t-elle quitté ce monde en chantant Gracias à la Vida («merci à la vie») de Violeta Parra. «Il a neigé plus de quarnate heures à Montréal depuis son départ», écrit sobrement le manager de Lhasa dans le communiqué qui a annoncé le décès de l’artiste. Un linceul blanc pour accompagner vers l’éternité une artiste qui a croisé les cultures et les styles musicaux pour léguer, en trois disques, un héritage majeur. Et prouver que la beauté existe.
 
 
 
Salut la fée !
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