[Italian Trip] Roma, Scène 12 : Photographies mentales

Publié le par Mako Rigan

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La boulangerie introuvable
Un point qui me turlupinait. Comme j'étais toujours fourré dehors et que j'improvisais pour manger, j'ai pas tout de suite été frappé par le manque de boulangerie. Mais au bout d'un moment le manque s'est fait sentir. J'ai vu des endroits où on vend du pain, mais pas de boulangerie telle qu'on en trouve en France ou en Allemagne. Pas de boulangerie-pâtisserie. Ah, du pain on peut en trouver... mais souvent dans ces boutiques qui tiennent à la fois de l'épicerie-dépôt de pain ou de la pizzeria-boulangerie. J'y ai mangé un pain compact et rugueux, en comparaison avec lequel la baguette française fait figure de viennoiserie et le pain aux céréales allemand a un authentique goût de pain d'épices ! Le pain italien a pas été une bonne expérience. Cela dit, j'ai vu beaucoup de gens manger des pâtes, mais pas comme en France. En Italie on mange apparemment pas de pain avec les pâtes ! Gustativement, c'est logique.
 
 
Moi et la langue italienne
Dans mes bagages 5 ans et des poussières de latin, mon français est plutôt pas mal (ha ha), j'ai fait un peu d'espagnol, je me débrouille en anglais et en allemand. J'ai des bases d'espagnol, des restes de russe, un vague souvenir de suédois et d'ukrainien... et par dessus tout : j'adore les expérimentations linguistiques ! Je peux chanter « Bella Ciao » et « Bandiera rossa » bourré, j'affectionne quelques mélodies italiennes baroques ou modernes, mais je suis absolument incapable de faire une phrase en italien.
Mon but est pas d'apprendre la langue en quelques semaines, mais juste de repartir moins ignare que ce que je suis arrivé. J'écoute beaucoup et certains mots me font particulièrement réagir.
 
* Ceux que j'aime : « Dai! » (allez !), qu'A. dit souvent avec humour quand elle est impatiente, mais aussi quand elle est en colère. Quand j'entends ce mot, je savoure la joie d'emmerder mon amie. « Certo » (bien sûr), qui sonne comme « certes », mot banal en italien, mais très élégant dans mes oreilles. « Porca putana! », très vulgaire... J'adore !
« Va be », abréviation de « Va bene » (ça va bien). Il y a beaucoup d'abréviations, de mots coupés au milieu. Ça aussi j'adore. « Cosi » (comme ça) me rappelle « cosi » en français. J'en déduis que les Italiens doivent bien aimer le confort (jeu de mots absurde). « Anche » (aussi), qui sonne très latin. « Macchina », un mot joker qui veut dire « automobile », mais aussi tout appareil relevant de la machine. « Scherzo » (blague), qui scelle pour moi le lien de parenté entre l'italien et l'allemand (« Scherz », en allemand). Marrant, non ? « Spritz », une boisson amère et rafraîchissante dans laquelle on trouve du vin blanc, de l'eau minérale gazeuse, des fois une tranche de citron, plus de l'Aperol ou du Campari (alcools amers qui donnent la couleur foncée à la boisson). On me dit que la boisson viendrait à l'origine de Venise, mais que là-bas ils la boiraient sans Aperol ni Campari, donc claire. Ce mot et cette boisson, je les connais déjà... de l'Autriche ! Là-bas on appelle « weisse Sprize » (Spriz blanc) un mélange vin blanc-eau gazeuse servi très frais. Quant à savoir si l'origine est vénitienne ou autrichienne... L'Autriche a envahi la Vénitie.
 
* Ceux que j'aime pas : Quelques uns m'agacent. C'est le cas d'« alora » (alors), dont je trouve la sonorité abominable.
 
* Première liste de vocabulaire :
ubriacho / bevuto = bourré
fatto = déchiré, plein (bourré)
stanco = fatigué
pazzo = fou
Sono pazzo di te. = Je suis fou de toi [J'aime le répéter à B., ami trop poilu et hétérosexuel pour qu'il m'intéresse sexuellement.]
felice = heureux
triste = triste
eccitato = excité
affascinato = fasciné
dove? = où ?
bruto = « not bad, ugly », violent, génial [J'ai pas trop compris. Je pense que c'est un peu comme « terrible » en français dans la langue jeune : positif ou négatif...]
bicchiere = verre
birra = bière
lattina = boisson
Vuoi un po...? = Tu veux un peu... ?
fuocco = feu
posacenere = cendrier
accendino = briquet
Cenerentola = Cendrillon
[Les 3 derniers sont assez proches. Je l'aurais parié !]
 
* Mes premiers verbes :
> essere (être) : io sono / tu sei / lui - lei è / noi siamo / voi siete / lore sone
> avere (avoir) : io ho / tu hai / lui - lei ha / no abiamo / voi avete / loro hano
> parlare (parler) : io parlo / tu parli / lui - lei parla / noi parliamo / voi parlate / loro parlano
> finire (finir) : io finisco / tu finisci / lui - lei finische / noi finiamo / voi finite / loro finiscono
> vendere (vendre) : io vendo / tu vendi / lui - lei vende / noi vendiamo / voi vendete / loro vendono
> volere (vouloir) : io voglio / tu vuoi / lui - lei vuole / noi voglamo / voi voglete / loro voglono
 
* Mes premières phrases : J'attrape des gens et leur demande de me traduire en italien :
> « Tua madre a fatto una scoreggia e tu se nato da una sua colica. » (traduction approximative de cette citation d'Apollinaire : « Ta mère fit un pet foireux et tu naquis de sa colique. »)
> « O manjato il clown per colazione e mi sono pisciato di risate fino a sera. » (« J'ai mangé un clown au petit-déjeuner et me suis pissé dessus de rire jusqu'au soir. »)
> « Mi piache il schampoo, le patatine grasse e la poesia. » (« J'aime le shampoing, les frites grasses et la poésie. »)
Chacune de ces phrases provoquent des expresions hilarement sceptiques de mes interlocuteurs. « C'est sûr que c'est ça que tu veux dire ? ». Je suis mort de rire.
 
 
Les dealers de café
Un matin A. me propose d'aller prendre le petit-déj dehors, idée qui m'enthousiasme. Je la suis dans une pâtisserie, on commande nos cafés et je reste ahuri quand je remarque qu'il n'y a pas de tables pour s'asseoir. A. me maintient que c'est normal qu'il y ait pas de table ici. Je suis choqué. « Pourquoi est-ce que tu as besoin de t'asseoir ? ». Bein, parce que pour moi le moment du café, c'est un moment de calme, de sociabilité, bavardage, réflexion, lecture ou écriture. Me voir debout, serré contre les autres clients, avaler cul sec une mini-tasse de café, me donne juste envie de me pendre. Peut-être que c'est aussi une question d'addiction que je comprends pas. Possible que lorsqu'on a une moyenne de 14 cafés par jour on peut pas prendre un temps de pause à chaque fois. Les caféinomanes italiens sont des junkawas (néologisme de moi) et les employés des échoppes dans lesquelles on s'enfile un café au garde-à-vous pourraient s'appeler dealers...
 
 
Vestiges du fascisme
Dans un quartier périphérique où je me promène, je vois des reliques néo-fascistes. Les croix celtiques ne trompent pas. C'est bien des traces fraîches d'un culte primitif.
 
[Italian Trip] Roma, Scène 12 : Photographies mentales
[Italian Trip] Roma, Scène 12 : Photographies mentales
 
Gastronomie
Les Allemands abrègent le mot en « Gastro ». Eux qui affectionnent la nourriture française, s'ils savaient que ça veut dire « gastro-entérite » en français, ils s'abstiendraient certainement !
Donc sur la bonne bouffe italienne que j'ai eu l'occasion de goûter à Rome... Je me suis drogué au pecorino, au gorgonzola et au gorgonzola mascarpone (le fromage sud-européen le plus érotique que je connaisse). J'ai raffolé de kakis, que les Italiens écrivent « cachi ». J'en ai découvert 2 sortes, un mou et un dur (en fait il y aurait 4 sortes connues). En Provence j'avais vu que le mou (mets sensualissime), adorant fusionner avec son jus visqueux et non homogène. Dire que je me foutais des Allemands que j'ai vu souvent manger le « kaki-pomme » (le dur), que je croyais pas mur... L'intérieur d'un kaki mou, c'est pour moi une figure poétique, un mélange parfait d'attraction-répulsion (oxymore) : une apparence dégueulasse et une odeur et un goût fabuleux ! Oups, je viens de lire que le kaki viendrait de Chine, du Japon et de Corée.
J'ai pris en horreur les figues de barbarie de Sicile qui m'ont provoqué une réaction allergique carabinée. Je pouvais même plus toucher l'emballage en plastique. Je me suis gavé de pizzas (vendues au poids, ha ha), de pâtes (chez l'habitant ou au resto), de glaces (exceptionnelles ou plus ordinaires), j'ai joui en mangeant des croissants au miel (une fine couche de miel tapissant l'intérieur) ou à la crème (farcis comme des choux). J'ai bu pas mal de pastis, mais c'est pas italien, hein. Juste un cadeau que j'avais apporté.
Je goûte à un alcool délicieux, noir et sucré comme une liqueur. On me dit que c'est du Gambrinus, mais j'y crois pas trop. Le Gambrinus serait une bière très forte et aromatisée. Alors que là ça ressemblait à de la liqueur. Je vais mener l'enquête... Du bon vin rouge, souvent. Je sais plus d'où, mais du bon rouge on en trouve dans toute l'Europe du sud !
Un bon souvenir aussi d'un coniglio alla cacciatora (lapin, tomates, ail, oignon, vinaigre, basilic, romarin, huile d'olive, poivron et sel), mangé au resto. Je voulais éviter la viande, mais aussi manger une spécialité. Je me serai laissé tenter. Un souvenir mémorable d'un risotto con pere, gonfonzola e melograno préparé par A. avec amour (risotto aux poires, gorgonzola et grenade). Je vais chercher la recette.
 
 
Les transports en commun
Catastrophiques. J'avais rarement connu aussi chaotique. Mais je suis jamais allée en Inde ou en Afrique. C'est une compagnie privée qui gère le réseau (« ATAC », super nom !). A l'intérieur des bus, je ne vois de plan de la ligne nulle part. Il faut toujours demander aux gens où est l'arrêt auquel je veux descendre. Quand ils se trompent, je fais des kilomètres à pied. Le métro, c'est plus simple. Encore heureux qu'un truc fonctionne ! La nuit ou quand il pleut, c'est le chaos. Je me souviens d'un retour en mini-bus complètement blindé de monde. J'étais écrasé contre la porte d'entrée. Chaque fois que la porte s'ouvrait, ça me déchirait le dos. Quand quelqu'un se serrait contre moi pour descendre, ça menaçait dangereusement l'objectif de mon appareil photo et j'étais prêt à mordre. Je le protégeais comme un bébé. Puis la porte s'ouvrait à nouveau derrière moi et je retenais mes cris. L’Allemagne et le chemin de Saint-Jacques de Compostelle m'ont entraîné à la douleur. Je suis devenu plus résistant, ha ha ha !
 
[Italian Trip] Roma, Scène 12 : Photographies mentales
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L'orgie romaine
Je demande si une orgie romaine est prévue quelque part. A être à Rome, autant pas louper ça. Malheureusement, les réponses sont négatives. Mes interlocuteurs ont l'air perplexe. Par mes propres moyens j'avais trouvé le contact d'un gars évoquant une soirée BDSM dans un club privé. Hors de prix, comme souvent pour ce genre d'événement. Vive l'apartheid social ! Je quitte donc Rome sans goûter à une orgie romaine.
 
 
Pas vu
Pas le temps de visiter :
- l'intérieur du Colisée, du Forum romain et du Palatin
- les peintures de la galerie Borghese
- celles du palais Corsini
Une autre fois.
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