Les règles du je

Publié le par Mako Rigan

J'aime mieux tes lèvres que mes livres »
Jacques Prévert, Fatras
 
 
à G. B.
 

Mes soeurs souffrent et saignent tous les mois
par la volonté d'un dieu misogyne
inventé par des hommes à l'imagination à petite bite
Mais moi c'est tous les jours que je me vide
Mes rêves se décomposent
Tous ces désirs qui restent insatisfaits
s'échappent en épais filets de sang
traversant les ports de ma peau
où s'échouent d'inutiles bas tôt
Odeur âcre organique vivante
odeur de vie odeur de mort
odeur de vie partout
Là où passe ma joie il y a toujours des gouttes de sang
 

J'écris ma vie sur les lèvres des filles
Je me répands en baisers qui s'effacent
Je me prête à la criée :
« Baisers volants ! Qui veut des baisers ? »
Baisers gros rouge qui tâche
et qu'on efface d'un revers de salive
Baisers qui trépassent
qui s'effilochent
caresses arrachées aux aiguilles des heures
sur un corps nu
désiré à en crever
300 personnes
trop vite quitté
Lèvres impures et regards mouillés
immatures tendres capricieuses
qui donnent la gaule
moulées à la bouche
Langue aiguisée comme un signal d'alarme
Femelle
je te passe au scalpel de mon désir
Sur la chair j'aime laisser des traces
 

Sur les lèvres des filles je passe mes doigts
ma bouche et ma queue
le feu de mes fantasmes
Prédatrices cannibales à la gueule d'ange
Je n'ai plus peur de mordre
Le jeu en vaut la chandelle
La cruauté fait partie des règles
Bois sangsue amoureuse
Ceci est mon sang
Et s'il te gicle au visage et tâche ton joli sourire
Qu'il mette au moins un peu de couleurs dans ta grisaille
 

Sur les lèvres des filles je sème des billets doux
des jeux de maux qui les distraient
Faute d'azur
Elles y répondent par des fautes d'orthographe
Élevées au petit écran le coup de zapette rode
L'amour se consomme comme un programme télé
Derrière les anciens amants
il y a souvent une poubelle dégoulinante
remplie d'images
d'électroniques messages
des restes d'un être qu'on dit avoir aimé
Dans la poche ou le sac de mes maîtresses
je sais qu'il y a toujours une télécommande
Derrière un regard rieur un cran d'arrêt
Je les attends de pied ferme
 

Je ne peux pas mourir sur les lèvres des filles
Je suis déjà mort
Personne ne peut m'abattre
Je suis tellement vivant
Je suis là pour vous plaire
comme une femme fatale de Prévert
Je pourrais être une pute qui fait ça gratuitement
par altruisme et parce qu'elle ne croit pas aux grands sentiments
Brûlez les livres qui parlent d'amour
Brûlez la Bible la Torah le Coran
Brûlez la Bourse brûlez les uniformes
Brûlez aussi ce texte
Brûlez tout ce qui vous dit ce qu'il faut faire et qui vous devez être
Je pisse sur mes ennemis
Je pisse sur celles que j'aime et celles que j'ai aimées
Je vois pas la différence
Le temps pour moi n'existe pas
Je pisse sur la terre entière et sur toutes les galaxies
Je pisse sur Georges Bush Obama Royal et Sarkozy
Je pisse pour faire repousser les forêts primaires
Je pisse pour tous vous noyer sous un raz-de-marée titanesque
Je pisse le sang
Ne demandez pas si ça fait mal
Comme mes soeurs je m'habitue à ma condition
Je suis immortel
indéboulonnable
ou parfaitement mortel puisque je meurs tous les jours
Qu'est-ce que ça peut foutre après tout ?
Du haut de mes 30 ans je suis autant vieillard qu'adolescent
Coupable et innocent
Tellement puissant
Esclave
et maître de moi
Dans les règles du jeu il n'y a pas de double « je »
C'est toujours moi qui suis aux commandes
 

Je suis un courant d'air qui passe sur les lèvres des filles
un parasite qui traîne sur leur peau
satinée boutonneuse ou moite après la baise
je les couvre de fleurs imaginaires
entre leurs cuisses dans leurs cheveux gras secs ou parfumés
Mon regard est doux comme une lame affûtée
Mes rêves se taillent à travers ma peau
Saignée de la réalité
J'ai mal d'en avoir trop à l'intérieur
Vampires femelles
Succubes vermeilles
Jolis monstres déchaînés
Venez m'aider
me ponctionner
m'ouvrir les veines
Boire ces rêves vermeilleux
Allez
y en aura pour tout le monde
 

Sur les lèvres des filles
je collecte petit bout par petit bout
le puzzle dispersé d'une émotion que j'ai connue
avec l'une d'elles
Jean-Baptiste Grenouille des sentiments
Dans la bouche de chacune ma gelée royale
A celle qui saura me dompter
je ferai voir 10 fois 36 chandelles
Soumise maîtresse
rouge cerise rouge ciel rouge volcan
On s'apprivoise dans les 2 sens
Qui sera ma favorite ?
Je me suis déjà arrêté un moment
Le son d'un baiser amer et brûlant
éphémère
Mais poussez-vous
J'ai trop attendu
Maintenant je cours
pour arrêter le temps
 

Si vous me cherchez
Vous n'avez qu'à suivre les traces de sang
 
 
* Commentaire laissé par Fredouj le 14/12/2008 : alors me revoila 10min plus tard!! putain mako... j arrive pas a dire autre chose que putain... la...
1 j ai du mal a trouver les mots
2 j ai du mal a trouver mes mots..
si je peux me permettre : les regles du je est un chef d oeuvre...
...ca y est ... ca me donne envie de l apprendre par coeur de jouer du violoncelle et de le crier en meme temps ce poeme de le gueuler au visage de tous les passants et de ceux qui passent moins bien :)putain ca c est la liberte ca c est la creativite la musique le reve lemonde la vie "

clarte du mot, derivations graphiques pour transcrire des images appartenant au monde de la sensualite, du desir, de la frustration, la souffrance, l 'amerture et du paradoxe, le paradoxe comme cle de voute de l'humain createur. L' acte sur papier ici nous parle des crochets et des mysteres de l'amour. C'est tranchant, pas de pudeur. Chez moi, quand je lis ces mots, apparaissent en filigramme de bons souvenirs :) : ou il y avait du vrai et un peu de sang dans tout ca, pour sur.
a la premiere lecture ma reaction fut celle-ci : "j en ai mal en bas du ventre d autant plus que j ai mes regles...hihi.."...une relecture parce qu'il fallait que tout s'ecoule... alors se souvenir que parfois d'un chaos emotionnel eclot une etoile (clin d'oeil a Nietzsche et a ma pote Helenka en passant)

 

* Commentaire laissé par Greshka le 07/12/2008 : ton texte est trés bon ...
comme le vin que je commence à apprecier !
j'ai envie depuis longtemps d'ecrire sur le sujet
ça va venir !
c'est bon de se sentir immortel non ?
et peu importe si ce n'est qu'illusion
si l'enfant est déjà mort ...
et si le jeune homme court aprés la vie
le désir est le jeu et l'amour est la vie
le désir est de feu et l'amour d'eau benite
ne pas se bruler et ne pas se noyer
ou alors juste un peu pour essayer .
à bientot l'ami

Publié dans Mes poèmes

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